Les Taupes et autres indésirables du jardin par Jean Claude Zuliani
Conférence de Jean-Claude Zuliani
Un accident l’ayant détourné de son métier d’origine (maçon et, avec raison, fier de l’avoir été), Jean-Claude Zuliani est devenu piégeur agréé. Spécialiste reconnu et appelé de toutes parts, il est actuellement Président de l’ADPAM, Association Départementale des Piégeurs Agréés du Morbihan. Il siège comme administrateur national à l’UNAPAF, Union Nationale des Piégeurs Agréés de France.
Les taupes sont la hantise du jardinier, qu’il soit de potager ou d’ornement. L’objectif de Jean-Claude Zuliani est de nous montrer des techniques de piégeage efficaces mais aussi, par l’exposition d’animaux naturalisés, de nous montrer et d’évoquer des nuisibles « qui nous voient et qu’on ne voit pas ».
Riche d’anecdotes et de bons mots, émaillée d’expériences parfois insolites, son intervention peut difficilement être transcrite in extenso… Elle fut d’une truculence appréciée de l’auditoire : « où je passe les taupes trépassent », « moi j’ai appris, vous pouvez apprendre »
Nous centrerons notre attention sur des informations générales apportées et des aspects techniques abordés.
Le piégeage est efficace sur les galeries que creusent les taupes à une dizaine de centimètres de profondeur en bordure de terrain, le long de talus, de haies, d’une terrasse, d’une rivière, là où généralement ne passe pas la tondeuse. Pour les taupes, ces galeries sont les autoroutes qui leur permettent l’accès à leur territoire individuel de chasse. Elles sont peu repérables car dépourvues de bosses.
Mœurs de la taupe
La taupe se nourrit essentiellement de vers (92% de sa nourriture est constituée de lombrics). Une taupe mange trois fois par jour. Une taupe de 60g mange quotidiennement 40g de vers. La profondeur des galeries varie avec les saisons, plus profondes en été par exemple lorsque les vers descendent. Pour l’hiver, la taupe est capable de faire des réserves de vers, sous forme de boules, placées en plusieurs endroits, dans lesquelles les vers restent vivants, et pouvant en contenir jusqu’à 80. Au printemps, les vers, s’ils n’ont pas été mangés, se défont de la boule et repartent.
Sur un hectare, peuvent vivre 13 à 14 taupes. Lorsque les petits naissent en avril, la densité peut atteindre 20 à 25 à l’hectare. Si des boursouflures de 4 à 5 cm apparaissent en mars, il s’agit d’un mâle. La femelle, elle, ne bouge pas. Et le mâle doit aller vite, d’où la faible profondeur de sa galerie. La période du rut dure 7 heures ! La saillie a lieu à la mi-mars, les petits naissent 3 semaines après, tout rouges, tout nus et pesant 2,5g. Un mois et demi plus tard, ils seront adultes et pèseront 60g…
Quand la femelle allaite, le mâle va lui chercher sa nourriture. En 1 mois il fait environ 13 km pour cela. Mais en temps ordinaire la taupe vit seule. Elle se constitue un terrain de chasse de 500 à 600m². Elle se déplace à 4 ou 5 km/h. Les vieilles taupes ont la priorité sur les jeunes.
La taupe « entend » avec sa queue de 2cm par la perception des vibrations du sol. Contrairement à une idée reçue la taupe n’est pas totalement aveugle. Elle a de tout petits yeux. Autre idée fausse : la taupe n’est pas hémophile. L’idée d’utiliser du verre pilé pour qu’elle se blesse est inadaptée.
Le piégeage
Jean-Claude Zuliani utilise le piège Putange (pince la plus fréquemment vendue en jardinerie) qui comprend trois éléments : la pince elle-même, la tente (rectangle métallique à placer entre les mâchoires de la pince), la clé permettant d’écarter les mâchoires pour mettre la tente en place. C’est la seule méthode efficace pour piéger la taupe. Les poisons sont interdits à la vente, l’enfumage des galeries est inefficace, l’utilisation de gaz est complexe, dangereuse et nécessite un agrément spécifique, les pièges à explosifs peuvent être dangereux…
Quelques préconisations :
- Ne pas mettre de piège dans la « cheminée » d’une taupinière. C’est en effet seulement le passage qui a permis à la taupe de pousser la terre vers le haut.
- Sonder pour repérer la galerie (à l’aide d’une tige métallique par exemple). Dégager les orifices de la galerie de passage pour y placer les pièges. Réserver si possible la motte enlevée (pour le rebouchage)
- Pour éviter la transmission d’odeurs inadéquates, prendre de la terre d’une taupinière et s’en frotter les mains (éviter l’usage de gants)
- Ne pas utiliser les pièges neufs, il vaut mieux les avoir laissés quinze jours en terre.
- La tente se place dans le sens le moins large, à 2 ou 2,5 cm des mâchoires. On la serre par ses bords pour que sa partie libre soit la plus grande possible. On peut poser le piège pinces en haut ou pinces en bas mais Jean-Claude Zuliani préfère les installer pointes des pinces vers le bas.
- Il faut attacher la tente à la pince pour ne pas la perdre lorsqu’elle va « sauter ». Le plus simple est de la solidariser par une ficelle de longueur suffisante pour la passer dans l’anneau de la pince.
- Lorsque les pièges sont en place, boucher au-dessus pour éviter toute lumière ou tout courant d’air : soit en utilisant la motte extraite, soit avec une ardoise ou une planche et en mettant de la terre autour pour l’étanchéité.
- Le repérage des emplacements des pièges est important ! On peut utiliser une tige métallique avec des rubans de couleur pour repérer combien de pièges comporte l’emplacement. Ne jamais perdre de vue que la terre et les pièges peuvent avoir été déplacés ou bousculés par les taupes de passage et qu’il vaut mieux avoir un moyen simple de savoir combien de pinces ont été posées.
- Dans un terrain sablonneux ou trop meuble, il peut être nécessaire d’utiliser un tube plastique faisant « tunnel » et dans lequel on place les pièges.
Nota : si des mulots ont investi une galerie (trou de sortie visible), mettre de la glue à la sortie de ce trou, quelle que soit la saison. On trouve ce produit (importé d’Italie) dans toutes les jardineries.
D’AUTRES INDESIRABLES…
Le blaireau
Le plus grand (70 cm à 1 m) des mustélidés en Europe. Il pénètre dans le jardin s’il n’y a pas de clôture. Il cherche des larves de hannetons (qui vivent 3 à 4 ans en terre), des vers de terre, etc. Il est interdit de piégeage (sauf arrêtés préfectoraux l’autorisant dans quelques départements) mais est « chassable ». Cependant ses mœurs nocturnes ne facilitent pas la chose, les tirs de nuit étant interdits ! On le chasse avec des chiens de terriers que l’on fait entrer dans ses galeries puis en creusant pour s’en saisir.
La belette
Le plus petit des mustélidés (20 à 25 cm). Elle est interdite à la naturalisation. Elle peut pénétrer dans les trous de taupe et chasse les petits rongeurs. Son piégeage n’est autorisé qu’en Moselle.
La fouine
Cousine germaine de la martre. La fouine a le dessous des pattes nu, la martre à des poils sur les coussinets. La fouine peut vivre dans d’anciennes maisons, d’anciennes granges, dans la laine de verre des greniers… Elle sort la nuit et se nourrit de rongeurs, d’oiseaux, d’œufs.
Le ragondin
Gros rongeur introduit d’Amérique au XIXème siècle pour sa fourrure, il est considéré comme espèce invasive. En cas de forte densité, les terriers peuvent participer à la déstabilisation des berges. Particularité physique : le ragondin possède des tétines placées sur le dos (allaitement sans noyade des petits).
La pie
Interdite de piégeage sauf dans les vergers. Aime les noix, les œufs, les petits oiseaux…
Le geai des chênes
Interdit de piégeage dans le Morbihan. Mange les œufs, les petits oiseaux…
Nota : Jean-Claude Zuliani a présenté une collection personnelle d’animaux naturalisés, fruits de ses activités de piégeur agréé. Chaque pièce a donné lieu à des anecdotes et commentaires que nous ne pouvons pas reproduire ici in extenso. Ce fut aussi l’occasion pour les membres de l’association de poser « en off » de multiples questions auxquelles notre conférencier a volontiers répondu avec compétence, humour et courtoisie. Qu’il en soit ici remercié.
INFORMATION COMPLEMENTAIRE
Jean-Claude Zuliani a accepté, pour les membres de l’association qui le souhaiteront, d’animer un atelier pour que nous mettions en pratique les conseils prodigués. La date précise et le lieu de cet atelier, prévu en septembre, seront communiqués par mail aux membres de l’association.
Date : 9 mai 2015
Photos de Bernard Rio, n°14 de « Chasseur en Bretagne », avec l’aimable autorisation de l’auteur
Texte : Daniel P