Le Domaine de Trévarez à Saint Goazec (29)
Premier point de vue à partir de Châteauneuf du Faou d’où l’on devine dans le bleu de la brume, dominant la vallée de l’Aulne et planté dans le site superbement désolé des Montagnes Noires, le château de Trévarez. Ce château, bâti par le richissime James de Kerlégu à la fin du 19ème siècle, tient à la fois de la Tour Eiffel par sa structure métallique et de Walt Disney par son kitsch gothico-rococo. On y verrait bien quelque fée Carabosse aimant le confort début 20ème ou un des personnages fantastiques de Tim Burton : Edward aux Mains d’Argent par exemple, qui aurait rendu de grands services aux jardiniers chargés de l’entretien du parc.
Occupé par l’armée allemande pendant la deuxième guerre mondiale, détruit par un bombardement allié, le domaine fut racheté en 1968 par le département du Finistère qui restaura et recomposa le parc laissé à l’abandon pendant une cinquantaine d’années.
Ce site est désormais classé « Jardin Remarquable » et comporte 750 variétés de camellias.
Dès sa création en 1893, le parc moderne et composite a servi d’écrin au château : devant le bâtiment, les jardins ; au-delà de ces derniers, le parc à l’anglaise et en troisième ceinture, l’utilisation de la hêtraie préexistante. Pour masquer les trous dans le paysage et cacher les allées de service, on a utilisé les rhododendrons pontiques qui ont envahi le sous-bois pendant la période de délaissement du domaine si bien qu’aujourd’hui, dans certaines parties du parc, de véritables fouilles archéologiques botaniques sont entreprises pour retrouver les allées d’origine.
Lors de l’achat par Le Conseil Général du Finistère, le parc foral qui comporte 160 camellias centenaires et 100 rhododendrons est restauré et de nouvelles plantes sont introduites.
L’ouragan de 1987 détruit les 2/3 du parc ; il est décidé de dispatcher la collection en jardins « quatre saisons » (une collection majeure par saison).
En mars, la majorité des camellias est en fleurs.
Notre charmant guide, ingénieur agronome chargé, entre autres, de la reconnaissance des espèces de camellias nous conduit d’abord dans « La Clairière Aux Camellias » où ont été implantées après 1987 des camellias de toutes les espèces et de toutes les couleurs.
Le camellia japonica a donné 25.000 cultivars et 10.000 hybridations à partir de 1944. La plus commercialisée est le camellia sinensis ou théier.
Les camellias peuvent être classés en :
- Groupes culturels liés à la cérémonie du thé (ex ; Higo, fleur simple à gros cœur d’étamines)
- Groupes botaniques (ex : camellia japonica rusticans, très ramifié et très trapu pour supporter le poids de la neige.)
- Familles d’hybrides (japonica densetii, le réticulata) est l’hybridation la plus connue
- Groupes ayant subi une mutation d’un ou plusieurs gènes qui affectent soit le port de l’arbuste, soit la fleur (couleur, forme, pétale fimbrillé), soit la feuille. Parfois les trois à la fois. On peut trouver des parties mutantes sur un même arbre. Un exemple est donné à partir de l’ancêtre « elegans » qui a pu donner, entre autres, le « cm wilson hawaï. »
- Les camellias bicolores sont striés génétiquement ou par contamination par un virus.
La visite se poursuit par « Le Sous-bois Aux Camellias » qui présente plusieurs variétés de grands sujets. C’est une plante très ancienne qui vient du Japon ou de Chine.
- Au début du 19ème siècle, elle est introduite en Europe, en Angleterre et en Hollande. Elle est cultivée sous serres pour la production de fleurs coupées. On recherche la fleur en forme de pompon pour la mettre à la boutonnière. Les Italiens préfèrent la fleur imbriquée.
- 1900 : c’est l’apogée du monde colonial. La préférence des collectionneurs allant aux orchidées que l’on place dans les serres, les camellias sont plantés en pleine terre. On l’utilise alors comme plante ornementale de parc.
- A la fin de la deuxième guerre mondiale, les Américains et les Australiens se prennent de passion pour les camellias et organisent des concours. On cherche à obtenir de grosses fleurs, des couleurs et des ports particuliers. Au début la sélection est faite par des pépiniéristes mais à partir du 20ème siècle ce n’est plus le cas car peu productif (1 graine sur 1.000 pour 1 sélection).
Nous terminons la visite commentée par « Les Alentours du Château »
Devant la bâtisse, s’étendant en demi-cercle, le jardin limité par un alignement de 25 camellias centenaires de la même espèce : Kerjégu n’était pas un spécialiste et y voyait surtout un ancrage symbolique dans l’aristocratie. Au-delà des camellias, la prairie ; en arrière-plan la forêt d’arbres exotiques
Nous empruntons les allées à la manière des invités de la grande époque du château. Leur organisation ménage un jeu de cache-cache : le bâtiment est d’abord dissimulé aux yeux des visiteurs par des rangées de rhododendrons, d’azalées, de pieris en bordure de l’allée d’honneur et de conifères exotiques en lisière. Puis, au milieu de l’arc de cercle dessiné par l’allée, s’ouvre un large espace découvrant la perspective du château, dressé, brique et noir, sur fond de montagnes bleutées de brume. La promenade repart sous le couvert d’autres rangées d’arbres jusqu’à la cour d’honneur.
La visite commentée s’achève. Perplexe quant à la suite des opérations (rédaction du compte-rendu de la visite) et transpercée par une bise qui refroidirait l’Ankou soi-même, je laisse plus courageux que moi visiter la rocaille. Je quitte donc Trévarez et ses cerfs, soi-disant morbihannais qui viennent manger les camellias des Finistériens.
Que notre guide et nos camarades éminents spécialistes me pardonnent si j’ai estropié le nom des espèces, commis des erreurs ou omis des pans entiers de la visite. Bien que n’ayant pas une goutte de sang bleu, je suis comme James de Kerlégu : j’aime les camellias sans rien y connaître.
Photos / texte : Marguerite R
Date : 25 mars 2017
Le Domaine de Trévarez
Route de Laz – 29520 Saint-Goazec